Adaptation climatique : les petits exploitants agricoles ont besoin de 443 milliards $ par an, moins que les subventions agricoles nuisibles
À la veille de la COP30, une étude mondiale révèle que les petits exploitants agricoles, qui produisent la moitié des calories consommées dans le monde, nécessitent 443 milliards de dollars par an pour s’adapter aux effets du changement climatique. Ce montant reste inférieur aux 470 milliards de dollars dépensés chaque année pour des subventions agricoles nuisibles à l’environnement.
À l’approche du sommet mondial sur le climat (COP30) prévu au Brésil, une étude commandée par Family Farmers for Climate Action (FFCA) et menée par Climate Focus met en lumière une réalité paradoxale : soutenir les petits exploitants agricoles coûterait moins cher que de maintenir les subventions agricoles actuelles considérées comme néfastes pour la planète.
Selon le rapport intitulé “Nourrir le monde dans un climat changeant”, 443 milliards de dollars US par an seraient nécessaires pour permettre aux petits exploitants disposant de moins de 10 hectares de renforcer leur résilience climatique soit 952 dollars par hectare et 2,19 dollars par jour.
Ce montant reste inférieur aux 470 milliards de dollars que l’ONU estime être consacrés chaque année à des subventions agricoles préjudiciables et représente à peine un tiers du service de la dette des pays en développement, estimé à 1 400 milliards en 2023.« Il ne s’agit pas de charité, mais d’un investissement dans la sécurité alimentaire mondiale », affirme Elizabeth Nsimadala, présidente de la Fédération des agriculteurs d’Afrique de l’Est (EAFF), représentant 25 millions de petits exploitants.
« Investir dans leur adaptation profite à tous. »
L’Afrique de l’Ouest en première ligne
En Afrique de l’Ouest, où l’agriculture familiale assure 80 % de la production alimentaire, l’étude estime à 11 milliards de dollars US par an les besoins d’adaptation des exploitations familiales.
Ces fonds serviraient notamment à : Encourager les pratiques agroécologiques et durables (8,66 milliards $),enforcer les systèmes d’alerte précoce et de protection sociale (2,26 milliards $),développer les services numériques agricoles comme les prévisions météorologiques localisées (0,19 milliard $).
Pourtant, seulement 170 millions de dollars issus du financement public international pour le climat ont atteint les petits exploitants ouest-africains en 2021, soit 1,45 % des besoins. « Chaque soutien financier direct aux paysans face au chaos climatique est un rempart contre la faim », déclare Ibrahima Coulibaly, président du ROPPA (Réseau des organisations paysannes et de producteurs agricoles d’Afrique de l’Ouest). « Le temps des promesses est révolu : il faut désormais un financement massif et direct pour renforcer la résilience des systèmes de production. »
Face à cette inégalité flagrante, le ROPPA plaide pour : la création d’un Fonds pour la résilience des agriculteurs, géré directement par leurs organisations ,la réforme des mécanismes de financement climatique afin de les rendre accessibles et inclusifs ,la redirection des subventions agricoles nuisibles vers des modèles durables et équitables. « Investir dans les exploitations familiales, ce n’est pas de la charité, c’est une assurance pour la sécurité alimentaire mondiale », insiste M. Coulibaly.
Les petits exploitants sont aussi porteurs de solutions concrètes. « Nous sommes les pionniers de pratiques comme l’agroécologie, qui restaure les sols et renforce la résilience climatique », explique Thales Mendonça, agriculteur du sud du Brésil.
Selon l’étude, financer l’adaptation des exploitations familiales en Afrique de l’Ouest coûterait moins de 3 % des profits des 25 plus grandes entreprises agroalimentaires mondiales, tout en Protégeant 2 millions de producteurs de cacao et une industrie chocolatière européenne de 50 milliards $ ,renforçant la sécurité alimentaire régionale et la résilience économique d’un secteur représentant 32 % du PIB ouest-africain.
Alors que la COP30 doit définir de nouveaux indicateurs pour mesurer les progrès en matière d’adaptation, les organisations paysannes réclament un financement juste, équitable et sans dette, ainsi qu’une reconnaissance pleine du rôle des exploitants familiaux dans les plans nationaux. « Financer l’adaptation de l’agriculture familiale, c’est protéger la vie, la dignité et l’avenir des communautés rurales », conclut le ROPPA. « Sans agriculture familiale, il n’y aura ni emploi pour les jeunes, ni sécurité alimentaire pour l’Afrique. »
Tidiane Bamadio
