Affaire nouvelle constitution: Assimi Goïta sort de son silence et répond aux partis d’opposition

Jusqu’ici, le président Assimi Goïta s’était montré un peu réservé au sujet du projet de nouvelle Constitution. Mais face à la levée de boucliers de la part des partis du mouvement démocratique, le chef de la transition est sorti de sa réserve. Lors de sa rencontre avec les chefs traditionnels et religieux à l’occasion du nouvel an, Assimi a clairement dit qu’il n’est pas question d’abandonner le projet constitutionnel. Pour lui, il s’agit d’une décision importante des Assises nationales de la refondation auxquelles tout le monde a été invité.

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Cette prise de position est la réponse du président aux partis comme l’Adema dont les responsables ont surpris les soutiens de la transition en demandant l’abandon du projet constitutionnel. En réalité, Assimi a déclaré qu’il appartient au peuple malien de dire oui ou non à la nouvelle Constitution. Par ailleurs, le président de la transition a repris les choses en main en ce qui concerne l’aboutissement du projet. Il a indiqué que certaines recommandations des Assises écartées par l’avant-projet de Constitution vont être prises en compte.

Assimi a bien compris qu’il y a une grande attente de la part des masses populaires ayant participé aux Assises nationales de la refondation. L’article 31 de l’avant-projet de Constitution avait notamment soulevé de vives réactions chez de nombreux soutiens de la transition. Pour corriger ce manque à gagner, Assimi a donc choisi de mettre en place une nouvelle équipe chargée de rédiger la prochaine Constitution. Il sait que la meilleure façon de donner une chance à la nouvelle Constitution est de suivre la volonté populaire.

En attendant, les partis attachés à la Constitution de 1992 sont en train de mener un front commun contre le projet de la nouvelle Constitution. Dans le lot, il y a des opposants notoires à la transition tout comme des partis politiques qui cheminent avec les militaires. C’est par exemple le cas de l’Adema, ancien parti au pouvoir, dont des responsables sont membres du Conseil national de transition (CNT). Pour ces partis politiques et associations, la Constitution de 1992 est la meilleure garantie de la démocratie et des droits de l’Homme.

 

 

Les critiques les plus virulentes viennent du Bureau politique national de la Convention nationale pour une Afrique Solidaire (Cnas-Faso Hèrè). La direction de ce parti s’est réunie en session ordinaire le 7 janvier 2023. Après une analyse approfondie des derniers développements de la crise multidimensionnelle qui secoue le Mali depuis de trop longues années déjà, la direction du parti a réaffirmé sa ferme opposition à toute tentative de remise en cause de la Constitution du 12 janvier 1992.

Selon le parti de Soumana Sacko, le peuple militant du Mali n’a pas besoin d’une “constitution octroyée”. Pour le parti, le régime issu du double coup d’Etat militaire du 18 août 2020 et du 25 mai 2021 n’a reçu du peuple malien aucun mandat pour lui offrir une Constitution. Donc la Cnas-Faso Hèrè a indiqué qu’elle n’allait pas participer à la réunion programmée pour le 12 janvier 2023 par le ministère de l’Administration territoriale. La direction du parti note que le choix de la date du 12 janvier n’est pas une simple coïncidence car étant précisément la date anniversaire du référendum à l’issue duquel le peuple malien a adopté sa Constitution issue de la Conférence nationale tenue à Bamako du 29 juillet au 12 août 1991.

Par la même occasion, Soumana Sacko a invité à nouveau les autorités à renoncer définitivement et sans condition à « leur entreprise anti-républicaine et anti-démocratique de démolition de la Constitution démocratique dont le peuple malien s’est librement doté au prix des larmes, de la sueur et du sang en tant que acquis essentiel de la lutte de plusieurs générations contre la dictature Cmln/UDpm ».

Pour eux, le retour du Mali à l’ordre constitutionnel démocratique dans le cadre inchangé de la Constitution du 12 janvier 1992, accompagné du retour de l’Armée dans les casernes en harmonie avec les principes d’une Armée républicaine, notamment celui de la subordination de l’autorité militaire à l’autorité civile légalement et définitivement constituée, doit être la priorité absolue des autorités actuelles.

On peut aussi retenir le parti Forces Alternatives pour le Renouveau et l’Émergence (Fare an ka Wuli) qui a communiqué sur le sujet. Modibo Sidibé a rappelé qu’il avait déjà répondu à l’invitation du président du Comité d’experts mis en place par le président de la Transition pour la rédaction d’une nouvelle Constitution. A travers ce geste républicain et de courtoisie, le parti espérait avoir, à cette occasion, des réponses à des questions précises en lien avec la démarche de rédaction d’une nouvelle Constitution, telle que voulu par le président de la transition.
Le patron des Fare se pose la question de savoir si les autorités de la Transition sont fondées à réviser la Constitution dans le même schéma des trois tentatives passées, à fortiori rédiger une nouvelle Constitution d’autant plus que celle de 1992 ne prévoit aucune disposition relative à sa dissolution par une nouvelle. Selon lui, jusqu’à ce jour, le parti Fare an ka wuli n’a pas reçu de réponses concrètes à des préoccupations légitimes, qui sont également celles d’une frange non négligeable de nos compatriotes. Les Fare an ka wuli estiment que toute révision de la Constitution actuelle devrait être limitée et rigoureusement encadrée selon les dispositions déjà prévues.

Vague de contestations

Malgré la pluie de contestations des partis politiques et associations, le président de la transition, le colonel Assimi Goïta tient mordicus au projet d’écriture d’une nouvelle Constitution à la place de celle de 1992. Pour cette cause, des rencontres entre la classe politique et le gouvernement de transition ont se multiplient. Le président Assimi tiendra-t-il compte de la volonté affichée de cette nouvelle fronde ? Il ne se butera-il pas contre le mur ?

Des communiqués des partis et associations demandant au président de la transition, Assimi Goïta, de renoncer au projet de la nouvelle Constitution pleuvent à torrents. Mais le chef suprême des Armées n’entend pas de cette oreille. Le référendum auquel les Maliens seront appelés devrait, au regard du chronogramme électoral, ouvrir le bal aux différents scrutins que le Mali s’apprête à organiser. Quant à la Constitution, il s’agit d’un oui ou d’un non de chaque Malien.

Pour rappel, la Constitution dissoute en 1974 par l’ancien président, Moussa Traoré, a été changée en 1992 à la faveur de l’avènement de la démocratie dont le premier président fut Alpha Oumar Konaré. Cette Constitution de 1992 est comme des versets coraniques à cause du fait qu’aucun président, démocratiquement élu soit-il, n’a réussi à la remplacer.

Le président Assimi et son gouvernement tentent leur chance dans cette nouvelle aventure. Ils ne sont guère dans la dynamique d’y renoncer face à la fronde qui se prépare. Des partis politiques, des religieux et associations ne chôment pas pour décourager les responsables de la nation à organiser le référendum constitutionnel.

Ils invitent le président à revoir sa décision. Ainsi après la déclaration de la Coalition pour la démocratie au Mali (Codem) d’Housseini Amion Guindo alias Poulo, d’autres lui ont emboîté le pas. Il s’agit de la Coordination des mouvements et associations de soutien à l’imam Mahmoud Dicko (Cmas), Fare Anka wuli de Modibo Sidibé, le parti Rassemblement pour le Mali (RPM), le Rpdm de Cheick Modibo Diarra sans oublier la Cnas Faso hèrè de l’ancien Premier ministre du Mali, Zoumana Sacko. Ils misent sur le boycott pur et simple du référendum. Aussi le Haut conseil islamique n’y est pas favorable.

Le 8 janvier 2023, l’Alliance politique ‘’Jiguiya Kura’’ par la voie de Poulo a exprimé sa non-participation. Cela, bien avant la rencontre du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le jeudi 12 janvier 2023 au Centre de formation des Collectivités territoriales (Cfct). Dans son communiqué du 22 décembre 2022, Jiguiya kura avait demandé « le retrait et l’abandon du présent projet de la nouvelle Constitution », tout en réitérant son engagement pour une transition apaisée.

Aussi le bureau politique national de la Convention nationale pour une Afrique solidaire (Cnas-Faso hèrè) s’est réuni en session ordinaire le 7 janvier 2023 à son siège. « Après une analyse approfondie des derniers développements de la crise multidimensionnelle qui secoue le Mali depuis de trop longues années déjà, la direction nationale du parti de l’avant-garde militante et révolutionnaire du peuple malien a réaffirmé sa ferme opposition à toute tentative de remise en cause de la Constitution républicaine et démocratique du 12 janvier 1992 », lit-on dans le communiqué publié le 10 janvier 2023.

Dans un communiqué en date du 11 décembre 2022, le Mouvement populaire pour la paix au Mali (Mppm) et ses alliés soufflent dans la même trompette que ces formations du landernau politique malien. Il s’agit du Mouvement démocratique et populaire (MDP), le Réseau anti-dictature moderne (Radm), Ensemble pour le Mali meilleur (EMM), le Regroupement des jeunes leaders au Mali (Rjlm). S’y ajoutent l’Association des élèves et étudiants ressortissants de la région de Ségou et sympathisants (Aeerrss), l’Association des jeunes leaders de Markala (Ajlm) et le Regroupement des jeunes ressortissants de Sizani. Après une journée d’échange, ils ont convenu de commun accord « de demander au président de la transition de renoncer à son projet d’élaborer une nouvelle Constitution.

En rencontrant la classe politique, le ministre Abdoulaye Maïga a fait savoir que la mise en place des démembrements de l’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) ne constitue pas un défi majeur au Mali étant donné que les Maliens ont une culture dans l’organisation des élections. Selon lui, ce n’est pas quelque chose d’impossible à faire. Il a promis le respect du délai et dit-il, s’il y a des difficultés, ils le diront.

A cette occasion, le président du Rassemblement des Maliens, Paul Boro, a martelé qu’il n’est pas prêt à engager son parti dans cette voie. Bocari Tréta du RPM a parlé de paradoxe dans cette concertation et cela, sans plus de détails. Amadou Koïta du PS Yelen kura veut une révision constitutionnelle à la place d’une nouvelle Constitution.

A noter que malgré la montée en puissance des demandes de retrait du projet d’écriture de la nouvelle Constitution, le gouvernement est dans la dynamique de convaincre la classe politique pour l’acquérir à sa cause. Mais force est de constater que cette classe politique malienne a le cuir dur. Elle reste imperméable à toute volonté de changer la Constitution. Sur un total de 281 partis saisis pour se prononcer sur le sujet, seulement 50 ont répondu aux sollicitations du gouvernement. Contre le mur, Assimi renoncera-t-il ? Les hommes politiques rengaineront-ils ? Le scénario de 2017 avec ‘’An tè a bana’’ vivra-t-il ?

Wait and see !

Source: L’alerte

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