Pourquoi Beyoncé et Rihanna sont-elles accusées de faire allégeance aux Illuminati ?

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Beyoncé et Rihanna auraient-elles prêté allégeance aux Illuminati ? C’est ce qu’imaginent de nombreux internautes sur TikTok. Des accusations qui ne sont pourtant pas nouvelles. Dès la sortie du clip d’Umbrella, en 2007, Riri avait été accusée d’être une sorte d’incarnation du diable… Et dans un autre clic S&M, sorti en 2010, l’inscription « Rihanna, the princess of Illuminatis » aurait été décelée par des fans.

Plus récemment, lors du Superbowl, Rihanna aurait également laissé paraître plusieurs signes lors de son concert à la mi-temps. D’abord, elle aurait fait un signe de diamant avec les mains. Un signe qui n’aurait pas été télévisé, mais diffusé par la suite sur les réseaux sociaux. Puis, sa position sur la scène aurait également été bien choisie. Rihanna aurait été placée en hauteur laissant une disposition en triangle, signe également des Illuminati.

Mais ce n’est pas la seule. Lors d’un concert à Paris, une fan de Queen B raconte avoir été témoin d’une scène étrange : Jay-Z aurait demandé à tout le public de mettre ses mains en triangle et de les déplacer de haut en bas. « Up and down, up and down ». « Moi je ne fais pas ces trucs bizarres. Ça m’a surpris que personne n’ait parlé de ça, parce qu’à un moment je me retourne et tout le monde fait le même signe ». « Tout le monde était ensorcelé », rajoute-t-elle.

Mais d’où viennent ces théories ? 20 Minutes est remonté dans le temps pour comprendre comment les Illuminati se sont invités dans la pop culture actuelle.

Une naissance en Bavière

Il faut remonter au XVIIIe siècle en Bavière pour trouver les premières traces des Illuminati. Inspiré par la franc-maçonnerie mais aussi en plein siècle des Lumières, l’allemand Adam Weishaupt crée un club privé. Dans une société alors opprimée où la discussion autour de sujets sensibles comme la religion n’est pas libre, le but est avant tout s’affranchir de manière assez radicale de l’obscurantisme. Mais au bout de dix ans, le club est finalement interdit.

L’explication actuelle n’aura finalement plus aucun lien avec cette page de l’Histoire, souligne Pierre-Yves Beaurepaire, historien et auteur des Illuminati, de la société secrète aux théories du complot. Son image actuelle prend forme quelques années après. En France, comme en Europe, la Révolution éclate et la société explose. Deux sphères de la société sont pour la plupart condamnées à l’exil, l’aristocratie et le clergé, avance Yves Pagès, auteur du Pseudo-complot Illuminati, l’étrange destin d’une conspiration imaginaire.

Des responsables de la Révolution

Parmi eux, l’abbé Barruel voit dans les Illuminati toute l’explication de la Révolution et en écrit un livre. Ce groupe privé serait selon lui à l’œuvre de tout le bouleversement de la société. Outre-Manche, le physicien britannique John Robison consacre également un ouvrage au sujet. « C’étaient des discours parmi tant d’autres contre les révolutionnaires, des tentatives d’explication de la révolution comme un phénomène d’un groupe de pouvoir ayant déchu l’ordre naturel », avance Yves Pagès.

En Europe, ces accusations auront à l’époque un certain écho. Pourtant, la conspiration est créée de toutes pièces. Le mot « Illuminati » est inventé en effaçant toutes ses origines historiques. « Le monde est complètement déboussolé. C’est le début de ce qu’on connaît encore aujourd’hui. Quand vous avez une sorte de déstabilisation générale, certains évènements vous frappent par leur rapidité et leur complexité. C’est beaucoup plus facile d’imaginer qu’il y a des forces secrètes qui sont à l’œuvre », souligne Pierre-Yves Beaurepaire. Très vite, les thèses anti-Illuminati traverseront également l’Atlantique.

« Un climat de paranoïa généralisé »

Nous sommes désormais au XIXe siècle. L’année 1800 est marquée par l’élection présidentielle américaine qui oppose le président sortant John Addams à Thomas Jefferson. Il devient selon le pouvoir en place « le candidat des Illuminati » pour « voler l’élection ». Même constat plus tard, lors de l’élection présidentielle de 2020 où Donald Trump perd face à Joe Biden. Pour autant, les Illuminati restent une conspiration parmi tant d’autres. « Un petit délire par rapport aux Roseweld ou aux reptiliens », compare Yves Pagès. Plusieurs décennies plus tard, dans un contexte de guerre froide, la société tombe dans un « climat de paranoïa généralisé » avec l’invention de nombreux délires autour des extraterrestres.

Mais comment cette conspiration est-elle arrivée jusqu’à nos stars préférées ? Pour Yves Pagès, les années 1970 auront sûrement été un tournant décisif pour ce mouvement auprès des communautés noires américaines. Lors de plusieurs émeutes, à Chicago notamment, la répression policière aura véritablement brisé la société. « Ce vieux discours qui n’était transporté que par des pasteurs réactionnaires va commencer à entrer dans une certaine culture noire américaine plutôt rebelle, désespérée, vaincue, désenchantée », souligne l’écrivain.

Ce sont désormais les années 2000 et les Tours jumelles viennent de s’effondrer à New York. « Pour un peuple religieux, il faut trouver une méta-explication », souligne Yves Pagès. Avec l’arrivée d’Internet, le fantasme d’un monde manipulé par les Illuminati s’invite également dans la pop culture, les films et la musique. Les stars de la musique noire – et plus particulièrement celles du rap et du hip-hop – deviennent selon l’imaginaire collectif des pantins de l’élite judéo-maçonnique.

Un buzz, bon ou mauvais

Mais au fil du temps, ces accusations d’appartenir à une certaine forme de satanisme sont devenues sans doute une stratégie marketing pour les artistes. Selon Yves Pagès, Rihanna comme Beyoncé ou Jay-Z auraient en réalité tout intérêt à utiliser ces gestuelles maçonniques comme l’œil ou le triangle… pour le buzz. Qu’il soit bien ou mal. Cette stratégie s’accompagne également d’un flou assez important des signes liés aux Illuminatis. « Il y a de nombreux symboles avec de multiples interprétations. Derrière l’œil, par exemple, chacun peut y mettre ce qu’il veut », souligne Pierre-Yves Beaurepaire. De manière plus réaliste, le triangle reste assez logique pour les artistes concernés. Pour Jay-Z, il s’agit par exemple du signe de son label Roc Nation.

Malgré l’ampleur du buzz actuel, Yves Pagès continue de croire « à une pseudo-conspiration ». « On ne peut ni parler de théorie, ni de mythe. A la rigueur d’un fantasme ». Pour lui comme pour Pierre-Yves Beaurepaire, l’ampleur actuelle des Illuminatis reste très surprenante. D’une part, car son caractère historique et son origine ont été effacés au détriment d’un méta-complot. D’autre part, car le phénomène qui a été has been pendant de nombreuses années est désormais devenu tendance. « C’est même devenu un jeu, un fil marketing à décrypter », conclut Yves Pagès.

Source :  20minutes

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