ROPPA alerte : 11 milliards de dollars par an nécessaires pour sauver l’agriculture familiale ouest-africaine face au climat
Le Réseau des Organisations Paysannes et de Producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) a dévoilé une étude alarmante sur les coûts d’adaptation et les investissements indispensables pour protéger les exploitations familiales. Réunis en ligne le 23 octobre 2025, les membres du Réseau des Journalistes pour la Promotion des Produits Agro-sylvo-pastoraux et Halieutiques (REJOPAS) ont massivement pris part à cette conférence régionale, soulignant l’importance stratégique de la mobilisation médiatique autour des défis climatiques du monde rural.
Le ROPPA tire la sonnette d’alarme. Selon une étude publiée dans le cadre de la campagne mondiale « Family Farmers for Climate Action » (FFCA), les exploitations familiales agricoles d’Afrique de l’Ouest ont besoin de 11 milliards de dollars américains par an pour s’adapter aux effets du changement climatique et maintenir leur rôle vital dans la sécurité alimentaire régionale et mondiale.
L’étude, présentée lors de la conférence régionale du 23 octobre 2025, a été l’occasion pour les journalistes du REJOPAS de réaffirmer leur engagement à sensibiliser les décideurs sur la vulnérabilité des agriculteurs familiaux, souvent en première ligne face aux dérèglements climatiques.
D’après Ibrahima Coulibaly, président du ROPPA, les exploitations familiales (EF) représentent près de 80 % de la production alimentaire en Afrique de l’Ouest. Elles assurent également une part majeure de la production de cacao, dont la valeur d’exportation a atteint plus de 5 milliards de dollars en 2023. Mais cette puissance nourricière reste fragile. Le rapport estime que pour renforcer leur résilience, il faut investir chaque année : 8,66 milliards de dollars US pour promouvoir les pratiques agricoles durables et résilientes, notamment l’agroécologie ,2,26 milliards de dollars US pour développer les systèmes d’alerte précoce et les filets de sécurité (assurance récolte, protection sociale) ,0,19 milliard de dollars US pour améliorer les services numériques et les prévisions météorologiques localisées.
Malgré leur contribution essentielle, les exploitations familiales d’Afrique de l’Ouest n’ont reçu en 2021 que 170 millions de dollars US du financement public international pour le climat, soit seulement 1,45 % de leurs besoins réels.
Le rapport du ROPPA met ainsi en évidence un déséquilibre profond entre l’urgence climatique et les ressources allouées aux acteurs ruraux, pourtant garants de la stabilité alimentaire.
Au-delà de l’Afrique, le ROPPA souligne que les effets du sous-financement agricole pourraient avoir des répercussions mondiales.
En Europe, l’industrie du chocolat, estimée à 50 milliards de dollars US et employant 300 000 personnes, dépend presque entièrement du cacao issu des exploitations familiales ouest-africaines.
À l’échelle mondiale, l’étude révèle que les petits exploitants agricoles produisent la moitié des calories alimentaires consommées sur la planète. Leur adaptation aux chocs climatiques nécessiterait 443 milliards de dollars par an, un montant représentant le tiers de la dette annuelle des pays en développement, estimée à 1 400 milliards de dollars en 2023.
« Investir dans l’adaptation des exploitations familiales, ce n’est pas de la charité, c’est une assurance pour la sécurité alimentaire mondiale », a déclaré Ibrahima Coulibaly, exhortant les gouvernements et bailleurs à passer des promesses aux actes. Il plaide pour un financement massif, direct et équitable au profit des paysans et paysannes, considérés comme les véritables gardiens de la souveraineté alimentaire face au chaos climatique.
Le président du REJOPAS, M. Gilles Essonana, a salué pour sa part la forte mobilisation des journalistes de la région, insistant sur leur rôle essentiel dans la diffusion d’une information juste et engagée au service de l’agriculture familiale et du développement durable.
Le rapport du ROPPA met en lumière une vérité incontestable : l’avenir de la sécurité alimentaire mondiale passe par la résilience des exploitations familiales. Sans un soutien financier massif et coordonné, les effets du changement climatique risquent de compromettre la production agricole et de fragiliser des millions de ménages ruraux. Soutenir les paysans, c’est nourrir l’avenir.
Tidiane Bamadio
