À Sikasso comme à Mopti, les langues se sont déliées. Pendant plusieurs jours, élus locaux, médecins, chefs coutumiers, usagers et représentants d’associations de santé communautaire ont mis cartes sur table. Pas de discours creux ni de bilans enjolivés. Ce sont les failles du système de santé qui ont été mises à nu, sans détour. Résultat ? Une étude implacable, portée par les voix du terrain, qui révèle l’envers du décor des soins de santé au Mali. Voici ce que dit une étude portée l’Institut néerlandais pour la démocratie multipartite (NIMD), dans le cadre du le Programme de recherche et de dialogue pour la refondation.
A Sikasso, 94 % des habitants vivent à moins de 15 km d’un centre de santé. Mais une fois sur place, c’est la douche froide. Certains centres de santé communautaires (CSCOM) n’ont même pas d’infirmier. D’autres, comme celui de Farakala, sont construits, mais jamais ouverts. Et quand ils fonctionnent, c’est parfois sans équipements de base, sans électricité, ni personnel qualifié.
« On a un bâtiment, mais pas de soin. À quoi bon ? », lâche un habitant, fataliste. À Konna, dans la région de Mopti, les difficultés d’évacuation sont telles que des vies se perdent, faute de pirogue disponible.
Les médicaments ? Trop chers, parfois illégaux
Dans les deux régions, une réalité revient en boucle. Les médicaments coûtent trop cher. Et souvent, la population se tourne vers la rue, où l’on trouve tout… sauf des garanties de qualité. La vente illicite prospère, tandis que certains CSCOM sont privés de médicaments essentiels, ou contraints de suspendre les prestations de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO). Pire encore! Des traitants ambulants, sans formation médicale, continuent de « soigner » dans l’ombre, mettant en danger la vie des plus vulnérables.
Si certains agents de santé sont salués pour leur accueil et leur engagement, d’autres sont critiqués pour leur froideur, leur manque d’écoute, voire leur absence. Et pour cause, les effectifs sont dramatiquement bas. À Sikasso, on compte à peine 5 soignants pour 10 000 habitants, loin du minimum recommandé par l’OMS (23/10 000).
La confusion des rôles entre les différents gestionnaires (mairies, ASACO, directions sanitaires) alimente la cacophonie. À cela s’ajoute une méfiance entre acteurs, nourrie par le manque de concertation et une gouvernance souvent floue.
Mais le Mali sait aussi rêver juste…
Malgré ce tableau sombre, ces dialogues ont révélé que des solutions existent, et elles viennent du terrain. Les communautés ne veulent pas seulement dénoncer. Elles proposent.
À Sikasso, on réclame la réouverture du CSCOM de Farakala, le recrutement d’infirmiers, la dotation en échographes, la formation continue des agents. À Mopti, les priorités sont claires. Il faut installer des panneaux solaires pour alimenter les centres isolés, rendre les évacuations plus accessibles, afficher les prix des médicaments et renforcer la communication entre soignants et patients.
Les parties prenantes convergent sur un point. Former, équiper et encadrer le personnel, tout en luttant contre les dérives. C’est entre autres des solutions que soulève Konaré Yaya Zan dans une interview accordée à notre rédaction.
Et maintenant ? Que fera l’État ?
Le message des dialogues est limpide. Les populations veulent être écoutées, pas seulement sondées. Elles demandent des cadres de concertation avec l’État, un vrai suivi des priorités locales, et une application ferme des textes réglementaires. Elles espèrent aussi que les partenaires techniques et financiers seront mobilisés pour soutenir ces actions concrètes afin de sauver des vies.
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