Paris récuse le terme d’échec pour parler de l’opération de Barkhane. Pourtant, la question du terrorisme n’est pas résolue avec le départ des soldats français.
À première vue, une opération militaire recevant un budget annuel de près d’un milliard d’euros, en plus d’un arsenal disposant d’équipement militaire de pointe, aurait toutes les raisons de vaincre des groupes djihadistes n’ayant pas la même force de frappe.
Mais on sait aussi que les conflits asymétriques sont rarement favorables aux armées conventionnelles. Malgré cela, de nombreux Maliens critiquent ce qu’ils appellent l’inefficacité de Barkhane.
Stratégie inadaptée
Selon l’armée française, à l’été 2021, la stratégie militaire de Barkhane a été modifiée. A partir de cette date, l’armée malienne a dû directement affronter les groupes djihadistes alors que depuis 2014, la tâche était uniquement réservée à l’armée française. Mais ce changement de stratégie a porté en première ligne une armée malienne minée par la corruption et qui n’était pas prête à affronter les groupes armés, comme l’explique Jérôme Pigné, spécialiste en matière de sécurité au Sahel :
« Si on prend le problème de la corruption, celui des détournements de fonds, cela impacte déjà le moral des troupes qui ne sont souvent pas payées parce que l’argent qui est détourné, c’est souvent les soldes des soldats qui vont au front, qui meurent pour leur patrie. »
La question au niveau de la gouvernance se pose également dans la gestion de cette crise. En effet, depuis plusieurs années, le Mali a mis en place une politique de décentralisation qui cherche à accroître la proximité entre les autorités et les populations pour une meilleure résolution des problèmes du quotidien. Mais à l’inverse du résultat recherché, certaines régions maliennes sont contrôlées par les djihadistes, conséquence d’une absence totale de l’Etat malien.
« Le fait que l’Etat malien n’est pas présent sur tout le territoire, notamment dans la partie nord, c’est ce qui a fait que la situation s’est empirée, c’est ce qui a amené la montée en puissance par exemple du MNLA en 2012 », selon Sidylamine Bagayoko, professeur d’anthropologie à l’Université de Bamako.
Parmi les raisons du retrait des troupes françaises évoquées par le président Emmanuel Macron, il y a le fait que la France ne peut pas rester engagée militairement aux côtés d’autorités « dont elle ne partage ni la stratégie ni les objectifs cachés« .
Certains pensent d’ailleurs que le président français faisait allusion au groupe paramilitaire russe Wagner dont la présence pour Paris, mais aussi pour ses alliés, dont l’Allemagne, est considérée comme incompatible avec celle des armées européennes.