Conflit au Centre du Mali: Voilà ce que doit faire le gouvernement selon l’éditorialiste Saouti Haïdara
Lessive au sein de la hiérarchie militaire ; sévère mise en garde des nouveaux promus dans la chaine de commandement : l’armée ne doit plus se laisser surprendre par l’ennemi et, le cas échéant, ses chefs en prendront pour leurs grades ; dissolution de la milice dogon » Dan Na Amassagou « .
Depuis trois années la guerre (n’ayons pas peur du mot) sévit entre Dogons et Peuls, embrase de larges parties de la région de Mopti majoritairement peuplée par les deux communautés. Des sources indiquent qu’elle a fait plus de cinq cents tués dans les deux camps en belligérance.
Ce premier trimestre de 2019 a été particulièrement meurtrier. Le jour de l’An, un raid lancé contre Koloungo Peul s’est soldé par une quarantaine de morts, des dizaines de blessés, la destruction de tous les biens du village. Le président IBK, éploré, s’était rendu sur les lieux pour exprimer sa compassion et offrir des vivres et des médicaments aux habitants en désarroi. Il avait annoncé un déploiement des FAMAs pour sécuriser les populations et, sous la pression de la communauté internationale outrée, promis que justice sera rendue et les milices désarmées.
Dans les faits, le pouvoir est demeuré dans sa démarche de dénouer le conflit en s’appuyant sur deux leviers : le dialogue intercommunautaire et une opération désarmement- démobilisation- réinsertion (DDR).
Ces deux recettes se sont révélées très vite d’une inefficacité dramatique et celles annoncées par le président au lendemain de l’holocauste du samedi 23 mars, même si, à première vue, donnent l’impression d’une reprise en main dans la bonne direction, ne tarderont pas à montrer leur limite pour les raisons qui suivent.
Le conflit armé Dogons- Peuls n’est pas une résurgence de la rivalité atavique entre les deux communautés pour le contrôle des ressources de la terre (eau, pâturages, périmètres de culture) que des discussions entre notables des deux entités suffiraient à aplanir. Il n’est pas non plus la résultante du désœuvrement des jeunes des deux communautés pour lequel une opération DDR serait un palliatif.
Ce conflit est apparu et s’est amplifié à la faveur du rêve fou du prédicateur radical Amadou Koufa de reconstituer l’empire musulman peul du Macina fondé au 19e siècle par Cheickou Amadou. A cette fin, le promoteur du front de libération du Macina (FLM) qui deviendra par la suite la Katiba Ançar Dine au Macina par son inféodation à l’organisation terroriste de Iyad Ag Ghali, a entrepris de recruter massivement au sein des jeunes Peuls.
Les exactions, enlèvements, assassinats, vols de bétails, confiscations de récoltes ( à défaut destructions) interdictions de festivités à l’occasion des mariages, baptêmes, circoncisions, prohibitions de la cigarette et de l’alcool, fermeture des écoles, port obligatoire du » hidjab » (voile) tout cela au nom de la « charia islamique » ont conduit à la création de groupes d’autodéfense dogons sur le modèle de Ganda Koï, Ganda Iso, Gana Lasal Iso, au plus fort de la rébellion abusivement appelée » touarègue « . Ces groupes d’autodéfense dogons arborent la tenue traditionnelle des chasseurs (tuniques de bogolan parsemées de cauris, de plaquettes de miroir et de gris-gris) et proclament leur appartenance à cette confrérie suscitant un mélange de respect et de crainte en raison des pouvoirs occultes qu’ils sont réputés détenir.
C’est seulement en se donnant les moyens d’éradiquer la katiba Ançar Dine au Macina (à défaut du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans devenu son organisation mère) que l’Etat malien pourra arrêter la confrontation sanglante qui oppose milices dogons et milices peules, car les milices, il y en a des deux côtés même si celles dogons ont le tort et le malheur d’être plus visibles en raison de l’ampleur des atrocités qui leur sont imputées.
En attendant, le remède auquel le président IBK a cru bon recourir s’annonce pire que le mal qu’il est censé guérir : le principal groupe d’autodéfense dogon, dirigé par un militaire sorti du rang, Youssouf Toloba, a déclaré qu’il rentre «en rébellion contre la République».
Saouti Haïdara
Source: L’Indépendant