Le pancréas artificiel veut simplifier la vie des diabétiques

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Le dispositif mesure tout seul les variations de la glycémie et déclenche l’injection d’insuline lorsque c’est nécessaire, ce qui soulage le patient d’une surveillance pluriquotidienne.

Le quotidien des diabétiques de type 1 implique une veille permanente: au lever, au coucher, avant chaque repas ou activité sportive, ils doivent mesurer leur glycémie (sucre sanguin) et l’ajuster en s’injectant de l’insuline, pour pallier l’inactivité de leur pancréas. Même si le matériel à leur disposition s’est beaucoup modernisé ces dernières années, entre minipompes portatives et capteurs connectés, la surveillance repose encore sur leurs épaules. «C’est précisément cette charge mentale que le pancréas artificiel permet de soulager», témoigne Élise, 27 ans, diagnostiquée il y a dix-neuf ans.

La jeune femme a pu tester pendant trois mois le pancréas artificiel de Diabeloop, start-up française créée par le Dr Guillaume Charpentier, diabétologue au Centre hospitalier sud francilien. Ce dispositif, qui vient de recevoir le «marquage CE» ouvrant la voie à sa commercialisation dans l’Union européenne, est le premier de son genre à faire son entrée en France. Son unique concurrent, le MiniMed 670G de Medtronic, a reçu la même validation mais l’entreprise américaine ne prévoit pas de le commercialiser en France dans l’immédiat.

«Il faut accepter d’être tout le temps connecté et de porter un smartphone dédié»

Élise, une patiente qui a testé le dispositif de Diabeloop

Contrairement à ce que l’expression «pancréas artificiel» pourrait laisser croire, le dispositif n’est pas implanté à la place de l’organe défaillant. Il essaie toutefois de mimer la production naturelle d’insuline à l’aide d’un triptyque fonctionnant en boucle fermée: un smartphone héberge un algorithme – la «tête pensante» du système, où réside l’innovation de Diabeloop – qui déclenche une pompe à insuline fixée au bras du patient sur la base des informations transmises par un capteur placé au ventre. Le tout relié en Bluetooth. La pompe et le capteur sont des modèles déjà disponibles sur le marché.

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Éviter les variations de la glycémie

En cas de variation importante nécessitant une intervention manuelle, le système se met à biper. Les résultats sont aussi surveillés à distance par des infirmiers. «J’ai ainsi été réveillée par mon médecin à 3 heures du matin, car on l’avait prévenu d’une hypoglycémie assez marquée», s’amuse Élise. Rien de grave dans son cas, mais potentiellement salvateur chez d’autres patients.

Le dispositif a été testé sur 130 patients au cours de trois études. La dernière, qui comprend 63 volontaires, consistait à comparer un groupe équipé pendant trois mois du pancréas artificiel à un groupe traité avec une pompe et un capteur gérés manuellement.

Les résultats, qui devraient être présentés au congrès de la Société française de diabétologie en mars, montrent que le temps passé avec un bon niveau de glycémie a augmenté de 19 %. «Quand vous êtes diabétique, l’enjeu est d’éviter les variations de la glycémie et notamment les hyperglycémies car elles produisent à long terme des complications graves sur les reins, la vision, le système cardiovasculaire ou les pieds», explique Guillaume Charpentier.

Le temps passé en hypoglycémie a, lui, été divisé par trois. «C’est important pour les patients et parfois un peu négligé par les soignants, poursuit le diabétologue. Bien que bénignes, celles-ci sont désagréables: le rythme cardiaque s’accélère, la personne est en sueur, bafouille, ses pensées se brouillent… Gênant dans un contexte professionnel ou intime, voire dangereux au volant! Il faut se jeter sur un encas sucré et attendre au moins quinze minutes pour récupérer. Dans les cas les plus graves, rares heureusement, le patient peut perdre connaissance, être pris de convulsions et sombrer dans le coma.»

Demande de remboursement par la Sécurité sociale

Jusque-là testé dans un cadre expérimental, le dispositif de Diabeloop va faire l’objet d’une demande de remboursement auprès de la Sécurité sociale d’ici à la fin de l’année. Pour pouvoir l’utiliser, il faudra ensuite passer «par des équipes hospitalières formées, qui l’ont testé pendant la phase d’étude», précise Guillaume Charpentier.

«C’est une avancée qui améliore le confort des patients, notamment ceux qui ont du mal à équilibrer leur diabète par eux-mêmes»

Dr Lucy Chaillous, chef du service de diabétologie au CHU de Nantes

Le Dr Lucy Chaillous, chef du service de diabétologie au CHU de Nantes, en fait partie. «C’est une avancée qui améliore le confort des patients, notamment ceux qui ont du mal à équilibrer leur diabète par eux-mêmes, confirme-elle. Quand le patient se gère lui-même, il peut avoir des temps de fatigue plus importants.»

Si le dispositif s’adresse à tous, mieux vaut ne pas être allergique aux nouvelles technologies. «Il faut accepter d’être tout le temps connecté et de porter un smartphone dédié», note Élise. En outre, le système dit «hybride» n’est pas encore complètement automatisé et nécessite que le patient le renseigne quotidiennement sur la qualité de ses repas ou ses activités sportives à venir.

«L’algorithme ne règle pas 100 % des variations, il existe encore une marge de progression, sur laquelle nous travaillons», reconnaît Guillaume Charpentier, ajoutant qu’une étude est prévue pour les diabétiques de type 2 nécessitant 4 injections par jour. «J’ai une liste d’attente de patients motivés», conclut Lucy Chaillous.


Le GABA, une piste pour réactiver la production d’insuline

Situé sous l’estomac, le pancréas fait un peu office de table de contrôle du taux de sucre dans le sang (glycémie). Il dispose pour cela de deux hormones: l’insuline, produite par les cellules bêta, qui abaisse la glycémie, et le glucagon, produit par les cellules alpha, qui relève le niveau de sucre.

Chez les diabétiques de type 1 (10 % des diabétiques), les cellules productrices d’insuline sont peu à peu détruites par le système immunitaire du patient. C’est pourquoi leur traitement repose sur des injections régulières d’insuline pour éviter l’hyperglycémie, cause de complications graves à long terme. Même si l’insulinothérapie a fait de grands progrès ces dernières décennies et continue de gagner en confort pour les patients, l’idéal serait encore de parvenir à régénérer directement les cellules bêta.

C’est ce à quoi travaille depuis vingt ans Patrick Collombat, directeur de recherche à l’Inserm. Avec ses équipes de l’Institut de biologie Valrose à Nice, il a découvert que les cellules alpha, proches en structure des cellules bêta, peuvent se mettre à produire de l’insuline si l’on déclenche l’expression d’un gène (Pax4). Les chercheurs se sont associés avec plusieurs instituts étrangers (MIT-Harvard, Max-Planck, CEMM) pour analyser des milliers de molécules susceptibles de mimer l’expression de Pax4. Et c’est le GABA (acide gamma-aminobutyrique), un neurotransmetteur abondant dans le cerveau et parfois utilisé comme complément alimentaire – aux États-Unis notamment – qui s’est révélé efficace.

Complément alimentaire

Testé chez la souris, il a permis de transformer des cellules alpha en bêta fonctionnelles, tandis que l’organisme compensait le déséquilibre en produisant de nouvelles cellules alpha. «C’est une approche vraiment intéressante, se réjouit Patrick Collombat. La fonction a été restaurée et la production de cellules bêta est restée contrôlable, sans emballement.»

La molécule est actuellement testée chez une centaine de patients et les résultats de l’essai sont attendus fin 2019. «L’avantage c’est que l’on sait déjà que le GABA n’est pas toxique puisqu’il est utilisé depuis des années comme complément alimentaire, par les bodybuilders notamment», indique Patrick Colombat.

Il ne s’agit toutefois que d’une première étape. Le laboratoire pharmaceutique NovoNordisk s’est associé aux recherches, car il pourrait être nécessaire d’associer le GABA à de faibles immunosuppresseurs pour éviter que les nouvelles cellules bêta ne soient à leur tour éliminées par le système immunitaire du patient.

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